Le casque sur la tête, les écouteurs dans les oreilles ou les enceintes de notre chambre à coucher sont autant de supports pour une nouvelle vague de pornographie auditive et de podcasts érotiques. Aujourd’hui, on parle de cette pratique qui a le vent de plus en plus en poupe aux Etats-Unis, en Allemagne et en France (par ordre d’importance) et qui permet à l’imaginaire érotique de reprendre une place qu’il était sur le point de perdre.
Pornographie auditive ou audio porn, n.f :
Le porno audio est de la pornographie qui n’utilise que de l’audio. Comme il le prévoit intrinsèquement, beaucoup est laissé à l’imagination.
Pornographie auditive : de quoi on parle ?
La pornographie auditive n’est pas toute nouvelle. Elle a connue son petit boum de lancement en 2018-2019 avec l’émergence, notamment, d’acteurs américains comme Dipsea et français comme Voxx puis Coxx (version « masculine ») mis en place par Olympe de G. Libérée d’un certain male gaze dans la plupart des cas, la pornographie auditive a la particularité d’être bien plus inclusive et proche de la réalité que la pornographie mainstream.
Elle consiste à prendre un temps pour soi dans un coin intimiste (ou non !) et d’écouter :
- Des histoires érotiques racontées par celles et ceux qui l’ont vécu,
- De l’acting pornographique, mélangé à de l’ASMR,
- De la lecture de littérature érotique,
- Des instructions à reproduire chez soi.
Liste de porno auditif ou de podcasts érotiques
Je sais que vous l’attendez, je ne vais pas passer par quatre chemins ou ne la donner qu’en fin d’article. Voici donc une liste (sans doute non exhaustive) des quelques acteurs sur le marché français :
- Le son du désir,
- Femtasy,
- Teasy,
- Voxx (version féminine), Coxx (version masculine), Boxx (version participative)
- Chambre 206,
- CtrlX,
- Le verrou,
- Les chemins du désir,
- Première et dernière fois,
- Alice au pays du libertinage,
- Colette se confesse,
Il y en a pour tous les goûts, à vous de tester (et d’approuver ?) car ils proposent souvent des essais gratuits et d’accéder à vos fantasmes les plus fous. For good.
Imaginaire érotique : welcome back
La pornographie érotique redonne ses lettres de noblesse à la pornographie. C’est vrai, cette industrie gigantesque, quasi incontrôlable, est finalement devenue une énorme machine à faire de l’argent. Quoi qu’il en coûte. Et ça implique une baisse des budgets de production, une baisse de qualité, une violence faites aux actrices et acteurs, des scénarios d’une pauvreté incroyable (voire inexistant), de la publicité intempestive et une volonté d’attirer le clic en allant chercher le choc.
Pourtant, lorsqu’on regarde la pornographie pré-internet (coucou les dinosaures), on peut dire qu’elle laissait la part belle à un bien précieux : notre imaginaire érotique. Les images sur papier glacé, les textes de littérature érotique ou les films d’une heure et demi faisaient monter la température et amenaient celles et ceux qui les consommaient à parfois fermer les yeux, à s’imaginer dans certains scénarios plaisants et se laisser emporter.
Même si le Sénat vient de proposer un rapport, qui on l’espère, aboutira à la mise en place d’une bonne partie des 23 mesures proposer pour lutter contre l’accès trop libre et les violences dans la pornographie mainstream ; les sites restent très ouverts et accessibles à toutes et tous dès le plus jeune âge.
Commencer sa vie sexuelle, pornographie à l’appui façonne notre imaginaire érotique. Elle le sculpte, ou plutôt le met à mort lorsqu’elle est consommée trop fréquemment. En sexologie, de plus en plus de personnes expriment l’impossibilité de se masturber sans pornographie. Nombreux.ses sont celles et ceux qui en consomment tous les jours, non pas pour s’offrir un petit moment hors du quotidien, mais comme un mécanisme qui permet de faire monter l’excitation – vite et bien. De décharger. Prendre une telle autoroute systématiquement peut même désensibiliser en partie les zones stimulées.
PS ; je ne suis pas contre la pornographie mainstream, je suis pour sa régulation vis à vis des mineur.es et à la modération du contenu trop violent. Je suis également pour un encadrement des tournages, pour qu’ils soient respectueux de toutes et tous, que ce soit derrière ou devant la caméra. Je milite également pour que la pornographie ne soit pas la seule source d’information et d’éducation à la sexualité. Je suis pour plus d’inclusivité, de représentation des corps, et tutti quanti. J’écrirai plus tard à ce sujet. Fermons la parenthèse.
Le rôle des sens
Faire monter l’excitation « vite et bien » comme on évoquait tout à l’heure est pratique, mais cela inhibe les sens comme le toucher ou l’odorat. Sauf que quand on est face à une vraie personne, qui a une odeur, des textures, qui est en 4D ?, qui a des demandes, des limites, des envies : quand on est plus tout.e seul.e en fait ! Et bien, cette fameuse excitation ne fonctionne parfois plus.
La pornographie auditive n’est pas une arme infaillible pour faire face à ce genre de situation, mais :
- elle est plaisante pour certain.es,
- voire même une découverte,
- et peut constituer une vraie rééducation de l’imagination pour d’autres.
Cela peut paraître simple. Mais fermer les yeux, dessiner soi même les personnages de sa propre fiction (il y en a tellement qu’elles sont quasi personnalisées), le décor, l’ambiance : ça fait toute la différence. Se priver temporairement d’un des sens permet d’augmenter la sensibilité des autres automatiquement, et de l’apprécier encore plus lorsqu’il sera de retour.
On peut dire que la pornographie auditive nous prend par la main pour nous réapprendre à aller chercher le plaisir dans notre propre imaginaire. Et ça, c’est inestimable.
Cela fait du bien à tout le monde
La pornographie auditive, qu’elle soit expérimentée en solo ou en couple, permet une expérience singulière. Et au-delà de constituer une pratique à part entière, consommer de la pornographie payante, qui réinvente les codes de l’érotisme, qui respecte l’inclusivité, la diversité, qui amène un effort particulier d’éducation sexuelle et de non-violence, on peut dire que c’est un geste sociétal fort.
Alors, si tous les fantasmes ne sont pas toujours bons à réaliser, ils peuvent être très chouettes à écouter.
Diane Deswarte, sexologue et fondatrice du Club Kamami.
