Article n°5 : fuis moi je te suis, suis moi je te fuis

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Ou l’interminable jeu du chat et de la souris.

Qui n’a pas joué à ce jeu parfois aussi excitant qu’énervant ? Aujourd’hui, on décortique les mécanismes du comportement de « Fuis moi je te suis, fuis moi, je te suis » et on va tenter de répondre à plusieurs questions : bonne ou mauvaise idée ? Pourquoi ce jeu peut être utile ? Pourquoi c’est un jeu qui peut nous coûter ? C’est parti.

Jeu du chat et de la souris, n.m. :

Aussi appelé “Suis moi, je te fuis. Fuis moi, je te suis”. Consiste à utiliser consciemment le mécanisme frustration/récompense dans un but de séduction.
fuis moi je te suis

J’ai surfé sur le web, et là ! 

Lorsque j’écris un article, je commence par une phase de recherche : j’écoute des podcasts, je regarde des vidéos, je lis des papiers pour élargir mon propre point de vue et vous livrer une forme de conclusion, mais surtout d’invitation à la réflexion. 

Lorsqu’on tape “jeu du chat et de la souris”, on tombe sur des jeux de sociétés, sur un film japonais (que j’ai ajouté à ma désorganisée et trop longue “liste de films à voir”) et sur des “experts en séduction” qui donnent des conseils pour devenir maître à ce petit jeu. 

  • “Fuis moi, je te suis : la technique la plus puissante”
  • “Règle numéro 1 : une femme trop amoureuse n’est pas intéressante pour un homme”
  • “Le rapport de force dominant/dominée est inévitable”

Et tutti quanti. 

fuis moi je te suis, rapport de force dans les relations, technique de séduction
Quand le jeu de séduction devient un bras de fer

Chacun son avis et son fonctionnement. En revanche, je pense que ce point de vue ancre des croyances et des dynamiques déséquilibrées au sein de nos relations. Vous savez, le Club Kamami s’appelle comme cela parce que “Kama” fait référence, au désir, à la sexualité et “Ami” est la contraction de “Umami” soit l’équilibre parfait des saveurs en cuisine. 

Kamami c’est l’équilibre dans le couple et dans la sexualité. 

Je ne crois pas à la dynamique rapport de force qui sous-entend que dans la majeure partie des cas : une personne sur les deux se sentira frustrée. Lorsqu’on se frustre, que l’on a pas la main sur ses propres limites, sur ses propres envies, on finit par accumuler une “dette” envers soi-même. En s’alourdissant, cette dette pèse sur notre santé mentale, sur notre santé physique, sur nos humeurs au quotidien, sur notre sexualité et sur notre manière de gérer nos relations. 

Évidemment, elle influe directement sur la personne “perdante” dans le diptyque dominant.e/dominé.e (on ne parle pas d’une dynamique sexuelle consentie). Cette dette finira aussi toujours par être payée par l’autre partie et même par le couple. Tôt ou tard. 

Candy Crush et jusqu’où tu peux aller ? 

La dynamique du jeu du chat et de la souris, se base sur notre mécanisme : frustration/récompense. Et “how much can you take” : jusqu’où pouvons-nous aller ? Jusqu’où repousse-t-on les limites ? 

On peut presque comparer ça à un jeu sur téléphone : je veux passer un niveau à Candy Crush, je n’y arrive pas et lors de la dernière partie, j’étais vraiment à deux doigts de gagner. Sauf que je perds. Alors, je suis prêt.e à mettre quelques centimes pour retenter ma chance. 

fuis moi je te suis, candy crush
Vous souvenez-vous de la musique et des mégas combos ?

Plus ma frustration augmente, plus j’ai envie de jouer. Sauf qu’une fois que j’ai tenté le niveau 10 fois et que j’ai dépensé 2,10€, soit 10 centimes de plus que ma limite ultime : je lâche l’affaire. C’est ma limite et elle est atteinte. 

Dans les relations avec un candy crush : on apprend à se connaître, on se cherche et une fois qu’on a bien compris que l’autre personne était intéressé.e, alors on peut entamer ce jeu, voire ce petit bras de fer. Parfois on ne s’en rend même pas compte, mais on joue tout.e seul.e ! On spécule.

L’orchestre des spéculations

Nous les humain.es, on adore spéculer sur ce que pense l’autre, sur ce que ressens l’autre (et c’est de pire en pire avec les téléphones et les accusés de réception). Que ce soit en notre faveur, ou en notre défaveur, c’est sur cette base que l’on adapte parfois nos comportements afin de se rendre le plus désirable possible. C’est d’ailleurs la base pour tout.e bon.ne spécialiste en publicité ou en marketing.

  • “Oh il m’a envoyé un message. Je l’ouvre ou pas ? Allez je l’ouvre, mais je le laisse en vu. Mais pas trop longtemps. Sinon il va croire que je ne suis carrément pas intéressée.”
  • “Non mais, mec, surtout ne lui écris pas avant au moins deux jours. Sinon elle va croire que t’es amoureux et elle va s’emballer. »
  • “Tu as vu l’émoji qu’il m’a envoyé ? Un pouce. Il m’a envoyé un pouce ! Si c’est ça, c’est simple, je poste une story avec Adam, il va être degouté.”

Évidemment, les proches y vont largement de leurs avis, de leurs conseils : c’est la séduction, c’est le jeu du chat et de la souris, c’est entraînant et tout le monde veut participer. 

suis moi je te fuis
Réunion de crise

Surtout, il ne faut pas que ça aille trop vite : 

  • « Ça n’est pas à moi de lui proposer le prochain rendez-vous.” 
  • “J’ai envoyé le dernier message, je ne peux surtout pas en renvoyer un.”
  • “J’ai très envie de lui dire “je t’aime” mais hors de question que je dégaine en premier.”

Cette période déclenche des mécanismes addictifs. Téléphone sous la main, le *ting* rythme nos humeurs : pic d’excitation ou déception que la notification provienne de quelqu’un d’autre.

Littéralement, ça excite notre cerveau.

Le jeu du chat et de la souris : jeu oui, base non. 

Alors ?! C’est bien ou c’est mal ? 

Si vous me lisez depuis quelque temps, vous savez que je ne vous donnerais pas une réponse manichéenne satisfaisante, mais plutôt quelque chose de plus complet, quitte à m’attirer vos foudres (est-ce qu’on joue au jeu du chat et de la souris là ?)

  • Il serait dommage de se priver d’un tel jeu de séduction, dommage de ne pas vouloir monter dans ce manège qui nous fait ressentir quelques sensations fortes, qui nous font sentir vivant.es.
  • MAIS toute bonne chose à une fin. Le jeu du chat et de la souris n’est pas une base de relation saine et doit absolument répondre à des règles de bienveillance de la part des deux côtés. 

Le but de la séduction et de ce petit jeu, ça n’est pas de s’imposer, d’écraser l’autre et de “poser les bases”. Le but de la séduction, c’est de mettre en avant ses atouts, d’apprécier ceux de l’autre, de se tourner autour, de faire grimper l’excitation, de se charmer, de commencer doucement à apprendre l’autre et ses réactions. De faire le paon. 

fuis moi je te suis
Le paon, maître dans l’art de la séduction

Alors, n’ayez pas peur de jouer et d’entrer dans l’arène. Mais gardez en tête vos propres limites, respectez celles de l’autre, soyez bienveillant.e, soyez prêt.e à lâcher l’affaire si cela vous coûte (même un peu) plus que cela ne vous apporte et surtout : puisse le sort vous être favorable. 

 

Ne vous privez pas des moments excitants : chérissez les.
Ne basez pas de relation amoureuse sur un rapport de force et de frustration : recherchez l’équilibre.

Et surtout, prenez soin de vous.

Diane Deswarte, sexologue et fondatrice du Club Kamami.

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